Le Grand Vide Dorian Degoutte
08 | 07 | 16
9 juillet au 2016 août 2016
J’arrive à Flaine au mois de mai en pleine inter-saison. Il neige. J’ai l’impression d’être en voyage au bout du monde. Les bâtiments déserts et la fermeture de toutes les infrastructures touristiques me donnent le sentiment d’un grand vide. Je commence doucement à vivre, marcher, observer, dans le but de faire un film. Les premiers habitants que je rencontre sont ceux qui viennent jouer au volley-ball les lundis et mercredis soir dans le gymnase de l’auditorium. Ensuite ce sont ceux que je croise dehors à l’heure de sortir leurs chiens. L’école est ouverte tous les jours, les gens se donnent rendez-vous, certains vont faire du sport, d’autres travaillent, etc. La vie de Flaine s’organise à l’échelle d’une tribu au milieu de ce grand vide.
Les enfants de Flaine se déplacent souvent seuls, sans leurs parents. Rien ne peut leur arriver, ici les dangers de la ville n’existent pas. Un mardi matin, lors d’une séance de travail à la bibliothèque, je leur demande ce qu’ils feraient s’ils vivaient seuls dans un monde sans parent. Matthew s’exclame spontanément qu’il aimerait casser une voiture. Ici la voiture un objet indispensable du quotidien. C’est un moyen pour se déplacer mais aussi pour se reconnaître. J’associe rapidement chaque voiture à son propriétaire.
Je marche chaque jour et constate que Flaine fonctionne par niveaux et à chaque niveau ses parkings. Le P-0, le P-1, le P-2, ainsi de suite. Ils deviennent pour moi des repères entre le bas et le haut de la station. Lors d’une balade en direction du Circuit de conduite sur glace, je suis fasciné par plusieurs cadavres de voitures abandonnées près du P-0. Je me contente de les prendre en photo.
Plus tard je rencontre Jacques, Flainois et passionné d’astronomie. Il conçoit l’observation du ciel comme une manière de mieux connaitre notre univers et donc de mieux nous connaître nous-même. Je vais chez lui et il me montre comment fonctionne sa lunette astronomique. Après avoir parlé des bâtiments de Flaine qui ont tous des noms de constellations, je commence à envisager la station comme un ciel dans lequel les étoiles seraient remplacées par des personnes. Jacques me prête alors sa lunette astronomique que j’adapte sur ma caméra.
L’exposition LE GRAND VIDE s’articule principalement autour d’un film réalisé avec les habitants de Flaine. Ce film, installé dans une cabane de projection fabriquée en matelas de protection pour pistes de ski, met en scène les Flainois dans une série de situations inspirées par leur quotidien. Filmé en grande partie avec une lunette astronomique, la longue focale permet de se concentrer sur les personnes, leurs gestes, leurs expressions, dans un décor neutre qui contraste avec l’image carte postale véhiculée habituellement par les stations de sports d’hiver. Les mises en scène, volontairement simples et improvisées, permettent aux habitants de jouer leur propre rôle d’une manière spontanée, en oubliant parfois la présence de la caméra. Une manière d’extraire de la réalité des situations qui dévoilent la poésie, l’étrangeté, l’humour de la vie quotidienne.
Le blog legrandvide.com est le récit de deux mois de vie à Flaine. Il vient compléter la lecture du film grâce à une succession d’anecdotes, de réflexions et de moments de vie, qui donnent des clefs de compréhension à l’ensemble du projet. Deux grandes images murales accompagnées d’une enseigne lumineuse accompagnent l’exposition et mettent en valeur la présence et l’importance des chiens dans le quotidien des Flainois. L’ensemble de tous ces éléments permettent d’exprimer le regard d’un artiste sur la vie d’une station de ski en intersaison, en s’attardant non-pas sur les bâtiments, mais sur les personnes qui y vivent.
Le Bonus «Golfette» réalisé par Julien & Julien
Les caméramen du film témoignent de leur admiration sans borne pour ce charmant véhicule flainois. (filmé en vidéo 4K avec leur Iphone !)
Le site Internet de Dorian Degoutte