Eric Boissonnas, amoureux de la montagne et skieur confirmé, son épouse Sylvie née Schlumberger, passionnée d’art moderne, son frère Rémi Boissonnas ainsi qu’un collège d’architectes talentueux composé de Gérard Chervaz, Laurent Chappis, Denys Pradelle, André Gaillard, sont, avec Marcel Breuer, les principaux acteurs de cette aventure savoyarde dans la France des Trente Glorieuses.
Ingénieur géophysicien, musicien et mélomane, Eric Boissonnas (1913-2005) est formé à la stricte discipline des sciences physiques ; il va se révéler un maître d’ouvrage inventif et ouvert aux formes nouvelles. A partir de 1946 il poursuit aux Etats-Unis ses activités professionnelles chez Schlumberger. Au cours de cette période américaine, Eric et Sylvie sont conquis par l’architecture, le design et l’art moderne. En 1958, alors qu’il vit encore dans le Connecticut, Eric Boissonnas, souhaite jouer un rôle dans la forte expansion des sports d'hiver. Eric Boissonnas s'investit alors dès 1959 dans la mise en œuvre de son projet visionnaire– créer une station sur un site vierge – qui va aboutir à la création de Flaine.
« C’est ainsi que nous est venue l’idée en 1959 de créer quelque part en France, un prototype d’urbanisme, d’architecture et de design, pour lequel la rentabilité immédiate serait subordonnée aux choix esthétiques et au respect de l’environnement ». Eric Boissonnas, Flaine, la création Ed. du Linteau, 1994.
Sylvie Boissonnas (1912-1999) élève ses enfants puis se consacre à l’art, passion qu’elle tient de sa mère et de sa grand- mère. A Flaine, elle va jouer aux côtés de Marcel Breuer un rôle déterminant dans la décoration intérieure des hôtels et dans la diffusion de la culture dans la station en créant le Centre d’Art de Flaine. Entre 1970 et 1995, elle organise plus de soixante-dix expositions, faisant découvrir l’art de son époque aux skieurs et apportant ainsi une participation essentielle à la mise en valeur et à l’animation de la station.
En 1977, avec son mari Eric, elle devient membre fondateur du Centre Georges Pompidou. De 1981 à 1987, elle est présidente de la Société des amis du Musée national d'art moderne. Sylvie et Eric ont généreusement contribué au développement de la collection du Musée par leurs dons et leurs actions en faveur des nouvelles acquisitions.
Par sa fille, Catherine Boissonnas-Coste, 2009
On peut considérer que Gérard Chervaz, architecte genevois, élève de Jean Dubuisson à l’Ecole nationale des beaux-arts de Paris, est le premier à s’intéresser à l’aménagement d’un domaine skiable dans le massif du Giffre. Le 20 février 1959 Gérard Chervaz, entouré d’amis montagnards, reçoit chez lui Denys Pradelle, Eric et Rémi Boissonnas qui confirment leur intérêt pour une opération d’envergure sur le site de Flaine. C’est en septembre 1959 que les Boissonnas arrêtent définitivement leur choix sur l’aménagement de Flaine.
Gérard Chervaz nous parle de Flaine
Rémi Boissonnas, frère aîné d’Eric, excellent alpiniste et skieur de randonnée, est directeur de la Banque de l’Union Parisienne et administrateur de plusieurs sociétés. Homme d’affaires talentueux et fin diplomate, il sait gagner la confiance des principaux élus des communes d’Arâches et de Magland et établit un climat favorable entre les parties. Il assure la gestion financière de l’opération Flaine de 1959 à 1973. Grand mélomane et musicien lui-même, il sera aussi, par la suite, l’initiateur des Bains de Musique à Flaine.
Outre-Atlantique, Eric et Sylvie Boissonnas sont sensibles aux courants architecturaux de l’avant-garde américaine, qu’il s’agisse de Marcel Breuer, Richard Neutra, Philippe Johnson, Mies Van der Rohe ou Rudolf Schindler. Ils confient d’ailleurs la réalisation de leur maison au Cap Bénat à Philip Johnson qui, comme Marcel Breuer, habite leur quartier à New Canaan dans le Connecticut. Dès le début de son projet, Eric Boissonnas pense à Marcel Breuer pour dessiner la future chapelle œcuménique de Flaine. Il admire « son talent, sa manière de se remettre constamment en question, son aptitude à voir aussitôt le parti qu’il pouvait tirer d’une nouvelle technique, et aussi, très important, son contact humain plein de chaleur qui devait rendre possible sa coopération avec les architectes urbanistes français.» E. Boissonnas, Ibid.
Le 30 novembre 1960, Marcel Breuer est définitivement choisi par le groupe Boissonnas. Dans l’hélicoptère qui le conduit pour la première fois à Flaine, il dira : « Quel site admirable ! Comment ne pas le gâter ? » E. Boissonnas, Ibid. C’est la seule station de sports d’hiver qu’il réalise, il y travaille jusqu’à ce qu’il cesse son activité en 1977, tout en poursuivant d’importants projets en Europe et aux Etats-Unis.
Film "La Wassily", une histoire de chaise
________________